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Quelle cartographie des risques ?

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Toute politique de gestion des risques doit envisager les différents types de risques en fonction des difficultés décisionnelles qu’ils posent. De ce point de vue, il convient de distinguer les risques avérés, les risques possibles et les risques émergents.

Les risques infectieux créés par des agents connus, par exemple le bacille de Koch ou le Vibrio cholerae sont un exemple typique de risques avérés. Ils demandent des décisions d’hygiène ou de vaccination (si un vaccin efficace existe). Un autre exemple est fourni par les risques de pathologies cardiaques ou pulmonaires dus à la pollution atmosphérique qui appellent des mesures de réduction des émissions. Dans ce type de situation, le risque se caractérise par une probabilité de survenue d’un danger qui dépend de plusieurs facteurs comme la force pathogène des agents dangereux, le niveau des doses reçues ou les caractéristiques des personnes exposées. Sur la différence entre le risque et le danger, je renvoie à mon post du 5 septembre 2013. Ces risques avérés sont quantifiables et l’efficacité des actions de prévention est en général connue.

Une deuxième catégorie de risques est formée des situations dans lesquelles il existe des incertitudes sur leur réalité ou leur gravité. Le risque n’est pas ici caractérisable par une probabilité. Le risque est une incertitude plus ou moins radicale (voir mon post du 18 mai dernier). C’est en quelque sorte une « probabilité de risque ». La question décisionnelle qui se pose est alors de savoir s’il faut agir ou pas, alors que les preuves manquent. C’est la problématique de la précaution, de la conduite à tenir face à l’incertain qui est immanquablement sujette à controverse. Agir face aux risques incertains crée toujours une situation qui avantage les uns et pénalise les autres, ces derniers estimant que cela n’est juste, ni au plan scientifique ni au plan juridique. Une situation incertaine est donc toujours créatrice de tensions, de conflits d’intérêts et de lutte de pouvoir, ce que les quelque 1.000 commentaires reçus sur ce blog depuis sa création illustrent bien.

La troisième catégorie de risques, celle des risques émergents, renvoie à des situations intermédiaires entre les deux premières catégories. Les risques émergents existent à un niveau faible au début et sont d’apparition récente. L’incertitude est liée au fait que leur évolution est difficile à prévoir. Il peut s’agir de nouveaux agents infectieux comme le virus MERS-CoV qui sévit en Arabie Saoudite. Il peut s’agir d’agents anciens dont le développement est rendu possible du fait de modifications de l’environnement ou des comportements. Ce fut le cas du VIH dont la propagation épidémique date des années 80, mais qui existait depuis longtemps à l’état sporadique, ou encore du saturnisme infantile dû au plomb dans les peintures anciennes. Il peut encore s’agir de nouvelles technologies qui créent de nouvelles conditions d’exposition, par exemple les techniques d’isolation des bâtiments qui modifient la qualité de l’air intérieur.

Ces risques émergents appellent des actions mixtes qui relèvent à la fois d’une problématique de prévention et de précaution. Parfois, les risques émergents créent des réactions décisionnelles fortes, motivées par l’inquiétude, le plus souvent liée au caractère involontaire et extensif de l’exposition ou à la gravité du danger. C’est ce que l’on a connu avec le prion de la maladie de la vache folle dans les années 90 ou avec le virus grippal A (H1N1) apparu en 2009.

Parfois, au contraire, ils sont négligés. C’est le cas de la résistance aux antibiotiques sur laquelle je reviendrai dans mon prochain post.

Pourquoi certains risques émergents créent-ils une sur réaction, tandis que d’autres font l’objet d’une sous-réaction ? C’est une question complexe qui fait intervenir de nombreux facteurs comme la qualité des lanceurs d’alerte, les circonstances dans lesquelles l’alerte est lancée, l’impact médiatique qu’elle a, la perceptions sociale du risque, les capacités scientifiques de l’évaluation des risques, l’organisation du système de sécurité sanitaire, l’intérêt politique qu’il y a d’agir ou de ne pas agir, le poids des différents groupes d’intérêts, la confiance de la population dans le fait que la protection de sa santé est prioritaire et bien évidemment, les moyens disponibles.

Ce sont les trois grandes situations qu’une politique du risque doit envisager. Elles correspondent schématiquement à des niveaux différents de débat public et d’équilibre entre la science et le politique. Les risques avérés doivent être traités avec une logique scientifique dominante sur la base des connaissances existantes. Les risques incertains méritent un débat public organisé et mettent le politique en première ligne. S’ils concernent de vastes populations, ils constituent une priorité pour la recherche (cas des nanotechnologies, par exemple). Les risques émergents appellent à la fois des procédures de vigilance spécifiques, des programmes de recherche dédiés et des actions pédagogiques.














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